Collectivités : agir en amont pour préserver la ressource
Rappelons les objectifs du Plan eau gouvernemental de baisser des prélèvements sur la ressource de 10 % d’ici 2030. Les collectivités disposent de moyens pour agir en réfléchissant à leurs usages. Non pas en fermant le robinet, mais en optimisant la gestion de la ressource et les infrastructures. Il s’agit de consommer mieux pour consommer moins.
Les nouvelles redevances misent en œuvre au 1er janvier 2025 tirent la sonnette d’alarme sur la fragilité de la ressource en eau. Les messages forts de cette réforme, pollueur/payeur et consommateur/payeur, se traduisent par une fiscalité plus forte. Objectif : inciter à réduire la facture, à tous points de vue. Les collectivités gestionnaires des réseaux sont en première ligne en matière de sobriété.
Des redevances qui incitent à la performance
L’eau potable représente 50 % des prélèvements d’eau douce (hors refroidissement des centrales nucléaires et alimentation des canaux) en France. Le bassin Loire-Bretagne détient le linéaire de réseau d’eau potable le plus important de métropole avec 289 000 km. Vaste chantier pour les gestionnaires de réseaux qui jouent un rôle déterminant dans la qualité de l’approvisionnement en eau potable.
La réforme des redevances a introduit un facteur nouveau dans le calcul de la redevance réseau d’eau potable. Celui de la performance. La nouvelle redevance performance des réseaux d’eau potable est désormais calculée avec un coefficient de modulation global. Il est appliqué selon la performance, donc la qualité, des réseaux d’eau potable. Le coefficient comprend deux axes : performance des réseaux, c’est-à-dire le taux de fuite et la gestion patrimoniale qui inclut le plan du réseau, la connaissance du linéaire, un plan de renouvellement, etc.
Qualité des réseaux égal distribution efficiente
L’objectif est clair. Il s’agit d’inciter les collectivités à performer dans la gestion de leur patrimoine, d’anticiper le renouvellement des structures afin de réduire le gaspillage de la ressource. Mais aussi, de gérer leurs infrastructures sur le long terme tant d’un point de vue quantitatif que qualitatif en procédant aux investissements nécessaires sur des réseaux parfois déficients. Sur le bassin, 150 millions de m3 d’eau prélevés par an n’arrivent jamais au robinet. Cela représente la consommation annuelle de la population de la région Centre-Val de Loire. La surveillance et l’entretien des réseaux sont des leviers financiers, mais aussi de sobriété, incontournables pour les collectivités.
Le portail du service public d’information sur l’eau indique que « Le rendement moyen des réseaux de distribution d’eau potable est évalué à près de 80 %. Les fuites sont donc de l’ordre de 20 % : pour 5 litres d’eau mis en distribution, 1 litre d’eau potable revient au milieu naturel sans passer par le consommateur. Les pertes par fuites représentent ainsi près d’un milliard de m3. Elles sont souvent dues à la vétusté des canalisations ou à une pression trop élevée, mais aussi aux mouvements des sols ».
Certains outils sont indispensables pour connaître et assurer le suivi de la performance des réseaux d’eau. La cartographie (SIG), la pose de compteurs et sous-compteurs sur les réseaux par exemple, la télérelève sont des actions qui permettent de détecter les fuites, d’agir et de remplacer les équipements vétustes (canalisations, vannes, buses etc.). Mais ces efforts ne seront pas suffisants pour atteindre les objectifs. Il faut également repenser les usages.
Diagnostiquer les consommations des bâtiments et espaces naturels
Un robinet qui goutte pendant une journée peut représenter une perte de près de 100 litres par jour (soit 36,5 m3 par an). Le slogan « chaque goutte compte » n’est pas une sinécure. Poser des kits hydro-économes sur un robinet est une petite goutte qui compte avec en moyenne 50 % d’économie sur la consommation, mais ce peut aussi être un coup d’épée dans l’eau si les fuites d’eau ne sont pas identifiées en amont et les consommations non suivies. Petite goutte économisée deviendra grande, si au préalable, la collectivité réalise un diagnostic poussé de toutes ses consommations d’eau pour chaque bâtiment, espace public, équipement sportif, machine utilisant de l’eau, usage. Un diagnostic global permet de mieux cerner les enjeux de sobriété. De nombreux fascicules pratiques, publiés par les organismes publics de l’eau guident les premiers pas pour entamer une démarche de sobriété à l’échelle de la collectivité. Un bilan détaillé des postes de consommation d’eau de chaque équipement collectif et usage est un indicateur préalable pour définir l’objectif à atteindre et cibler les actions à entreprendre.
Ratios de consommation des collectivités pour différents usages de l’eau
Bâtiments administratifs |
30 à 50 litres/jour/employé | Stade |
2000 à 5000 m3/an |
Scolaires |
3m3/élève/an | Salle de sport |
300 à 500 m3/an |
Activités sportives |
25 à 35 litres/personne | Salle des fêtes |
220 m3/an |
Espaces verts |
3 à 6 litres/m² | Nettoyage des voiries et parking |
5 à 25 litres/m linéaire |
Restauration collective |
10 à 20 litres/repas | Nettoyage des véhicules |
30 à 100 litres/véhicule |
(Source EPTB)
L’espace public, un terrain de jeu pour la sobriété
L’espace public, qu’il s’agisse des équipements de plein air, des parcs et voiries ou d’autres lieux comme les cours d’école, est un réservoir de possibilités pour agir sur les consommations d’eau. De nombreuses actions peuvent être mises en place et le retour sur investissement est quantifiable à la fois sur les consommations mais aussi sur le coût de la facture. Le bénéfice est double, écologique et financier.
Réduire ses besoins en eau, c’est réfléchir à son usage mais aussi au potentiel de réutilisation. De nombreuses possibilités existent et l’impact en termes de consommation peut être divisé par 2 ou plus :
- Récupérer les eaux de surverse des piscines pour l’alimentation des chasses d’eau ou l’arrosage des espaces verts après déchlorage ou encore le nettoyage des chaussées ;
- Réutiliser les eaux traitées en sortie de station de traitement ;
- Récupérer les eaux de pluie pour l’arrosage, le nettoyage haute pression ;
- Sélectionner des plantes peu gourmandes en eau et adaptées au climat local ;
- Pratiquer la gestion différenciée des espaces verts ;
- Pailler les espaces plantés pour retenir l’humidité et réduire les besoins en eau ;
- Arroser le soir ou la nuit ;
- Installer des gouttes à gouttes et des tuyaux micro-poreux pour l’arrosage automatique ;
- Utiliser des nettoyeurs haute pression ;
- Généraliser les équipements hydro-économes dans tous les établissements publics (Réducteur de débit et mousseur ou aérateur = 50% d’économie) ;
- Réduire l’imperméabilisation des sols pour préserver la ressource...
La gestion intégrée des eaux pluviales (GIEP) par exemple, présente de multiples bénéfices :
- préserver la ressource en eau ;
- réduire le risque inondation ;
- éviter le traitement des eaux pluviales par les stations d’épuration,
- bénéfice écologique.
Ces quelques exemples montrent qu’avant de fermer le robinet, on peut agir à la source en menant une réflexion globale et détaillée sur l’utilisation de l’eau. L’agence de l’eau accompagne de nombreux projets visant à la sobriété et l’amélioration des usages.
Campings en Vendée : une opération remarquable vers la sobriété
En région Pays de la Loire, les fédérations de l’hôtellerie de plein air sont fortement mobilisées pour réduire les consommations d’eau potable des campings du territoire. Une expérimentation de suivi des consommations d’eau a été réalisée à l’été 2023. À la suite de cette étude, l’agence de l’eau Loire-Bretagne accompagne plusieurs structures vers la résilience. Focus sur la Vendée qui compte près de 400 hébergements de plein air.
À la saison estivale, 4 à 5 millions de vacanciers sont accueillis sur le département. Cela représente un potentiel d’économie sur la ressource en eau important à une période où celle-ci peut être particulièrement en tension. Le littoral nord-ouest notamment, compte peu de ressources en eau souterraines. On estime à 2,5 millions de m3 par an la consommation en eau des hébergements touristiques en Vendée.
Réduire les consommations de 20 % en 2025
Quatre partenaires ont travaillé ensemble pour mener une étude sur le département. La Fédération vendéenne de l’hôtellerie de plein air (FVHPA), Vendée Expansion, Vendée Eau et le cabinet d’études Betterfly Tourism, ont analysé les consommations d’eau d’une trentaine de campings. Cette « Étude des gisements d’économies potentielle pour la FVHPA » a pour partie été financée par l’agence de l’eau.

© Agence de l'eau Loire-Bretagne
Olivier Brunner, chargé d’intervention à la délégation Maine-Océan précise :
« L’agence de l’eau s’est investie dans cette opération car elle est remarquable. Ce département est extrêmement sensible aux conditions de sécheresse et de tension sur la ressource ».
Les résultats très généralistes, ont permis de proposer une seconde étude de suivi des consommations à une trentaine de campings, également financée par l’agence de l’eau. Vendée Eau, partenaire de l’opération, a fourni une centaine de compteurs afin de mesurer les consommations. En 2023, place à l’expérience sur le terrain afin de scruter les consommations secteur par secteur. Objectif pour la trentaine de campings engagés dans l’expérimentation, réduire leur consommation de 20 % en 2025.
Des audits pour chaque camping
Les audits réalisés ont montré que la consommation moyenne d’un camping est de 178 m3 par nuitée, avec de fortes disparités selon les structures. 70 % sont liés aux usages sanitaires, 25 % à la piscine et 5 % à l’arrosage. Le taux de fuite est difficile à estimer mais peut potentiellement augmenter la consommation du camping de 25 %. La méthodologie utilisée pour l’étude de gisements d’économies croise différentes données : consommation globale, consommation par usage (sanitaires, piscine, pédiluve, etc.), nombre de nuitées, nombre et type d’emplacements, etc.).
De la modélisation théorique à la solution pratique
L’étude révèle une très grande disparité des consommations entre les campings avec une fourchette allant de 14m3 par emplacement à 158 m3. La moyenne globale est de 39 m3.
Le calcul des consommations, l’analyse des ratios et des consommations théoriques comparées à la facturation réelle ont permis de déterminer des consommations d’eau excessives de certains établissements du panel, à hauteur de 25 %. Il en résulte un potentiel de réduction de 46 % sans investissements importants, en appliquant de bonnes pratiques : kits hydro-économes sur les douches, robinets et toilettes, prévention des fuites, réutilisation de l’eau des pédiluves.
Un potentiel de 51 % d’économies d’eau
Différentes méthodes de calcul ont été utilisées pour estimer les économies d’eau potentielles. Si la consommation des campings était réduite à 30 m3 par emplacement, une économie de 40 % d’eau pourrait être réalisée, soit 112 728 m3. Plus ambitieux encore, avec une consommation de 20 m3 par emplacement et quelques investissements, 57 % des consommations seraient économisées. En appliquant de bonnes pratiques telles que des réducteurs de débits, des toilettes double flux, la prévention des fuites et la réutilisation de l’eau de piscine pour le pédiluve, les économies d’eau sont estimées à 46 %, sans investissement majeur, voire 51 % aves des investissements plus innovants.
Des plans d’actions personnalisés
Tous les campings du panel ont fait l’objet d’un rapport d’études comprenant un état des consommations et un plan d’actions individualisé. Olivier Brunner, enthousiaste, indique « Ces études sont exemplaires à double titre. L’hôtellerie de plein air est un secteur qui consomme beaucoup d’eau en été, période de tension sur la ressource. De plus, la Vendée est un des départements en France les plus concernés par une raréfaction de la ressource en eau en période estivale ». Plusieurs campings se sont déjà engagés et sont accompagnés par l’agence de l’eau. À titre d’exemple le plan de réduction des consommations d’eau d’un camping de 476 emplacements (hébergements et emplacements nus), ayant réalisé 78 450 nuitées en 2023, représente un investissement de 88 090 HT avec un retour sur investissement de 3 ans et 9 950 m3 d’eau économisés correspondant à un gain financier de plus de 28 000 euros sur la facture d’eau.
Un catalogue de solutions concrètes
Sur la base des audits, le bureau d’étude a réalisé un catalogue de solutions concrètes :
- gestion des réseaux et détection des fuites ;
- production d’eau chaude ;
- lavage des filtres de piscine ;
- ou encore la robinetterie.
Le catalogue comprend des fiches descriptives de chaque équipement comprenant le détail du potentiel d’économie d’eau, le coût moyen et les performances techniques, de quoi choisir en toute connaissance de cause. L’étude met en avant que toute démarche de préservation de la ressource en eau nécessite de la méthode :
- connaissance précise des postes de consommation ;
- réduction des besoins et sobriété hydrique ;
- efficacité des équipements ;
- actions de recyclage.
Olivier Brunner conclut :
« L’agence de l’eau Loire-Bretagne a participé au financement de ces études et aux premiers dossiers Travaux. Par ailleurs, complémentairement à l’opération vendéenne, une trentaine des campings de la région Pays de la Loire (essentiellement en Loire-Atlantique et Maine-et-Loire) sont accompagnées par la FRHPA. Des compteurs de télérelèves sont en cours de déploiement dans un double objectif : mieux cerner les principaux postes de consommations en eau et identifier les fuites d’eau potentielles. Les gestionnaires de campings sont très motivés pour s’engager vers la sobriété. Ils ont conscience que le sujet de la ressource en eau sera de plus en plus prégnant dans les années à venir. Ils s’engagent, par exemple, dans des projets d’installation de recyclage des eaux de lavage des filtres de piscine, où l’économie d’eau attendue est de l’ordre de 80 %. Plusieurs dossiers sont actuellement instruits par l’agence de l’eau ».