Deux jeunes représentantes Loire-Bretagne au PFJE

Le Parlement français des jeunes pour l’eau (PFJE) sera officiellement lancé et siègera pour la première fois le 6 juin prochain en marge de la conférence des Nations Unies sur l'océan (UNOC) à Nice. Deux jeunes membres représentant le bassin Loire-Bretagne en font partie. Portraits.
Initié par l’association « La Jeunesse pour l’Eau » (JPE) créée en 2021, ce parlement a pour objectif de mobiliser les jeunes entre 18 et 27 ans sur les enjeux de l’eau. Il s’agit de les fédérer et de faire entendre leur voix auprès des instances de la politique de l’eau, aussi bien à l’échelle locale que nationale et internationale. Un appel à candidature a été lancé. Plusieurs dizaines de jeunes ont postulé. Celles et ceux qui ont été sélectionnés représentent l’un des 7 bassins hydrographiques métropolitains et des 5 bassins Outre-Mer. Le parlement se veut un lieu d’échange, de sensibilisation et d’innovation. Le futur PFJE est structuré en deux commissions concernant les actions nationales et internationales, et d’une commission avec une thématiques annuelle. Les jeunes ont un mandat de deux ans.
Cette initiative a reçu le soutien de l’agence française de développement (AFD) et de l’agence de l’eau Artois-Picardie.
Cette élection fait écho aux réflexions actuellement menées à l’agence Loire-Bretagne sur le fonctionnement de ses instances et la représentativité des collèges des instances de bassin dont la moyenne d’âge est de 59 ans. Cette initiative pourrait être une opportunité pour relever la moyenne et faire entrer les acteurs de demain dans le comité de bassin.
Nous avons rencontré les candidates sélectionnées en Loire-Bretagne.
Rencontre avec Enora Cossard-Rabé

« Je voudrais faire de l’eau un sujet sur lequel tout le monde peut s’investir, que chaque personne la considère comme une ressource naturelle et pas comme une ressource à consommer.».
Pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je suis rennaise depuis cinq ans. J’ai 23 ans. J’ai effectué une licence de géographie à l’université de Rennes 2 et un Master d’urbanisme et d’aménagement du territoire à l’université du Havre. Dans le cadre d’un semestre d’étude Erasmus j’ai également pris des cours d’anthropologie et d’ethnologie en Finlande, à l’université Åbo Akademi de Turku. Cela a conforté mon intérêt sur l’évolution des sociétés, puis l’urbanisme participatif et la participation citoyenne. Mon stage de master réalisé dans une agence de concertation m’a permis de participer à une mission d’accompagnement de l’EPTB de Rance Frémur Baie de Baussais sur un projet de partage durable de la ressource en eau sur le bassin, dans un contexte de raréfaction de la ressource, suivi d’une mission d’alternance pour finaliser ce projet. Mon mémoire de fin d’études portait sur l’adaptation des territoires par le prisme de la raréfaction de la ressource en eau. Je suis maintenant cheffe de projet démocratie participative depuis deux ans dans cette agence de concertation sur l’urbanisme participatif, Vox Operatio.
Que représente pour vous cette entrée au Parlement Français des Jeunes pour l’Eau ?
Je suis très enthousiaste. C’est un signal intéressant que des jeunes originaires de différents bassins puissent s’investir ensemble sur la thématique de l’eau. C’est un gage de confiance que nous soyons pris au sérieux par rapport aux actions que nous pourrions proposer. C’est fantastique.
Comment envisagez-vous votre action ?
À ce stade, je souhaite d’abord pouvoir monter en compétences sur les enjeux de l’eau. Je compte sur le partage des connaissances issues des différents territoires. J’avoue que j’attends beaucoup des différents membres. J’aimerais mener des actions de sensibilisation à grande échelle. Et faire des préconisations aux agences de l’eau et à l’État. C’est par le croisement des regards sur les territoires et les visions complémentaires que l‘on s’enrichit. Je voudrais faire de l’eau, un sujet sur lequel tout le monde peut s’investir. Dans mon travail, j’accompagne au quotidien les habitants. Je leur offre des espaces de dialogue. J’ai beaucoup d’espoir.
Que pensez-vous des politiques publiques actuelles sur l’eau ?
Je suis encore jeune sur ce sujet. Aujourd’hui, je pense qu’elles tendent à aller dans le bon sens. Dans le contexte local, l’expérience que j’ai vécue tend à me faire penser qu’il y a une prise de conscience dans certaines régions sur la raréfaction de la ressource. Mais cela peut ne pas être suffisant au regard des enjeux qui bougent très vite. Je dirai qu’il n’y a pas de coordination suffisante à l’échelle nationale, un manque de lisibilité.
Qu’est-ce qui vous tient particulièrement à cœur ?
L’enjeu de la raréfaction de la ressource eau. Il faudrait adapter nos pratiques mais surtout prendre conscience que des territoires, en France, peuvent être en tension sur la ressource.
Rencontre avec Immany Czubowski

« Le Parlement des jeunes pour l’eau est un véritable catalyseur d’idées »
Pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?
J’ai 24 ans. Je suis en Master 2 ingénieur agronome à AgroParisTech. La thématique de l’eau me passionne depuis plusieurs années. J’ai effectué une classe préparatoire en biologie durant laquelle j’ai modélisé les inondations de l’Indre près de chez moi. Puis j’ai poursuivi sur cette thématique avec une année de césure consacrée à l’eau et au changement climatique. Je me suis intéressée à la gouvernance sur l’eau au sein d’une direction départementale des territoires. Puis j’ai voulu découvrir d’autres contextes et je suis partie en Guinée-Conakry, dans le Fouta-Djalon. Il y a beaucoup d’enjeux dans ce grand bassin versant d’Afrique de l’Ouest. J’ai travaillé sur l’adaptation de l’agriculture au changement climatique. Avec une fédération paysanne, on a mis en place des comités de concertation afin que les usagers puissent échanger aux actions à mener. Ces aspects de gouvernance et de médiation sont complémentaires à mon cursus qui est technique. J’ai dû m’adapter à mes interlocuteurs, certains ne savent pas lire ni écrire. J’ai donc proposé une fresque du climat locale, un outil visuel dans lequel les habitants pouvaient se projeter. J’ai réalisé qu’il faut agir dès maintenant car la mise en place des projets de résilience est longue, en Guinée comme en France.
Que représente pour vous cette entrée au Parlement français des Jeunes pour l’Eau ?
C’est un peu l’aboutissement de mon engagement sur la thématique de l’eau. Je voulais m’investir dans un projet sur le long terme. J’ai envie d’échanger avec des jeunes ayant un autre profil et sortir de mon cadre de réflexion. Je veux avoir d’autres visions. Je me demande comment intégrer la jeunesse dans la gouvernance sur l’eau. Avec le Parlement, nous allons gagner en crédibilité et en légitimité. C’est un véritable catalyseur d’idées.
Comment envisagez-vous votre action ?
J’aimerai m’engager dans des plaidoyers, dans la vulgarisation et la sensibilisation aux enjeux de l’eau. C’est l’occasion de transmettre la voix des jeunes. Je ne connais pas encore nos espaces de parole. Je souhaiter porter les préoccupations des gens que l’on représente. Il y a beaucoup à construire.
Que pensez-vous des politiques publiques actuelles sur l’eau ?
Je trouve que l’on fixe des objectifs très ambitieux comme le Plan eau. Mais dans les faits, on revoit souvent les objectifs à la baisse car ils sont peu applicables. Il y a également un problème de communication avec le public. Il faut traduire les politiques publiques pour que chacun puisse les comprendre. Un travail de pédagogie est à faire notamment en période de sécheresse pour que l’on en comprenne leur essence.
Les politiques de l’eau ne peuvent pas être séparées des politiques agricoles. L’agriculture par exemple, doit être adaptée au changement climatique. Les agriculteurs ont besoin de temps pour s’adapter.
Qu’est-ce qui vous tient particulièrement à cœur ?
Je suis attachée aux interactions eau et agriculture, qui ont deux volets. D’une part l’aspect quantitatif sur l’utilisation de l’eau, quels choix fait-on pour avoir de l’eau pour l’agriculture ? D’autre part, le volet qualitatif, notamment les intrants et effluents d’élevage. Il faut également penser aux pays du sud déjà impactés par le changement climatique. Ce sont des pays plus vulnérables qui ont peu de moyens pour s’adapter. Il serait nécessaire de s’accorder entre pays pour que les trajectoires soient adaptées en fonction des impacts et des moyens de chaque pays. La coopération devrait se faire à l’échelle mondiale.