Le comité de bassin met l'eau au coeur du grand débat national

Le comité de bassin Loire-Bretagne a mis l'eau au cœur du grand débat national lors d'une séance extraordinaire le 11 mars dernier. Vingt enjeux de gestion de l'eau ont été identifiés par la centaine de participants autour des quatre enjeux du grand débat : démocratie et citoyenneté, organisation de l’État et service public, fiscalité et dépenses publiques, transition écologique.

photo illustrative

Une séance extraordinaire du comité de bassin avec une centaine de participants, le lundi 11 mars au siège de l'agence de l'eau Loire-Bretagne à Orléans.

Eau, démocratie et citoyenneté

Concilier les dimensions environnementales, économiques, sociales et territoriales dans une vision de long terme

Les arbitrages entre économie et environnement sont trop souvent rendus en faveur de l’économie avec une vision de court terme. Or, la démocratie c’est savoir écouter, trouver le compromis, trouver l’équilibre entre social, économie et environnement avec une vision de long terme. Il est également nécessaire de conserver le lien citoyen / territoire.

Former, informer, sensibiliser sur la politique de l’eau et son articulation avec les autres politiques publiques

Si tous les citoyens sont concernés par l’eau, ils semblent peu impliqués, peu informés et faiblement acculturés.

Une organisation du monde de l'eau méconnue

Vue de l’extérieur, l’organisation du monde de l’eau (les cycles de l’eau, la compréhension de la politique publique et son articulation avec les autres politiques sectorielles…) est opaque voire inconnue. Cette difficulté est en partie liée à la gestion par bassins versants plébiscitée par les acteurs de l’eau, mais qui ne correspond pas aux découpages administratifs connus des citoyens. Même au niveau local, le monde de l’eau est un monde d’initiés, trop technique. A noter également la méconnaissance par les citoyens de la désignation des membres de la commission locale de l’eau (CLE), de son fonctionnement, des travaux qu’elle mène. Point positif : les bureaux d’études s’intéressent aux schémas d’aménagement et de gestion de l’eau (Sage), se renseignent auprès de la CLE.

Un travail d'explication et de pédagogie

Un travail d’explication et de pédagogie apparaît donc nécessaire. De nombreuses pistes ont été évoquées par les membres du comité de bassin. Il s’agit notamment d’imbiber la culture de l’eau dès la scolarisation, d’améliorer les connaissances des enseignants et des parents et de sensibiliser avec des campagnes de communication plus accrocheuses, voire d’inclure cette sensibilisation dans des journées jeunesse (journée défense et citoyenneté, service national universel). Le citoyen doit avoir une bonne connaissance des politiques publiques et de leur articulation (santé, inondations…) pour comprendre les tenants et aboutissants de la politique de l’eau sur son territoire. Cela passe notamment par l’amélioration de l’accès aux données, ou encore par l’usage d’un discours compréhensible par tous.

Associer plus directement les citoyens à la définition des politiques de l’eau et à leur mise en œuvre

Des lieux de débat et d’échange existent sur les territoires, à différentes échelles (comité de bassin, commission locale de l’eau, CESER, CODERST…). Ils n’associent pas tous les usagers non économiques et encore moins les citoyens.

Une démocratie participative plus ouverte aux usagers

Le comité de bassin a formulé de nombreuses propositions pour développer une démocratie participative, permettant une plus grande ouverture aux usagers. La mise en place de nouvelles structures est proposée : des conseils de citoyens dans chaque bassin de vie, des comités des usagers de l’eau, abaisser les seuils pour les conseils des services publics de l’eau... Peut être également envisagé l’élargissement de la participation ou de l’association des citoyens et autres acteurs dans les structures existantes : élargir la participation au-delà du cercle de la commission locale de l’eau, associer plus fortement les représentants des salariés aux instances de bassin, intégrer aux CESER des citoyens tirés au sort…

Renforcer le rôle des commissions locales de l’eau et la portée réglementaire des Sage

Les commissions locales de l’eau (CLE) sont un lieu d’échange et de concertation, mais les avis exprimés par ces commissions sont insuffisamment pris en compte, et ces instances manquent parfois de moyens. Les membres du comité de bassin souhaitent donc que la légitimité et le rôle des commissions locales de l’eau soient renforcés. Il faut leur donner plus de pouvoir (règlement) et un droit de regard sur l’action des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et syndicats. Il faut qu’elles travaillent au plus près des habitants : pour cela il faut des outils et des moyens.

Généraliser le modèle de gouvernance des commissions locales de l’eau et du comité de bassin

La gouvernance de l’eau est très spécifique. Sa force réside dans une structuration collégiale (avec des représentants des collectivités territoriales, de l’État et des usagers économiques ou non).

Cette approche doit constituer un modèle pour les autres politiques sectorielles. Elle doit être étendue par la loi aux autres politiques environnementales et à d’autres outils de la politique de l’eau.

Eau, organisation de l’État et service public

Ne pas brusquer la structuration des compétences

La loi NOTRe en confiant les compétences en matière d’eau aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre vise à rationaliser l’exercice de ces compétences et à se doter de services publics performants, en capacité de porter des projets d’investissements assis sur un prix juste de l’eau. Le grand débat souligne le temps nécessaire pour cette réorganisation territoriale afin de bien prendre en compte les spécificités territoriales et l’organisation déjà en place. Une certaine subsidiarité locale est revendiquée.

Replacer la logique de bassin versant dans l’exercice des compétences eau

L’échelle du bassin versant doit être l’échelle de référence pour exercer les compétences dans le domaine de l’eau. Les périmètres des EPCI à fiscalité propre ne sont pas des périmètres de cohérence hydrographique d’où la difficulté que peuvent faire remonter des élus en matière de mise en œuvre de la loi NOTRe.

Garder un État fort en matière régalienne

Dans un contexte de réforme de l’État, les services déconcentrés de l’État dont les directions départementales des territoires doivent intégrer des baisses d’effectifs jugées pas toujours compatibles avec un exercice plein et entier des missions régaliennes notamment dans le domaine de l’environnement. La nécessité de la présence d’un État fort sur les territoires est rappelée dans le cadre du grand débat.

Identifier une police de l’environnement

L’exercice de la police de l’environnement relève de plusieurs services, ce qui ne la rend pas lisible. Les débats font ressortir la nécessité d’identifier une seule police de l’environnement dotée de moyens adaptés aux enjeux.

Rendre plus lisible la réglementation

La réglementation en matière environnementale est dense et mériterait d’être clarifiée. Cette complexité ressentie n’est pas de nature à en faciliter la mise en œuvre particulièrement dans un contexte de réduction des effectifs dans les services de l’État.

Eau, fiscalité environnementale et financements

Cinq enjeux sont identifiés dans cette séquence riche en contributions.

Réaffirmer et renforcer les principes fondamentaux du modèle de l’eau

Un enjeu prioritaire est de réaffirmer et de renforcer les principes fondamentaux du modèle de l'eau : solidarité, principe pollueur-payeur, l’eau paie l’eau. Le modèle économique de l’eau est unique en son genre, avec des ressources affectées à la gestion de la ressource en eau et des milieux aquatiques. Ce modèle doit être renforcé, lisible du grand public et réaffirmé.

Solidarité

Le modèle économique de l'eau doit toujours permettre de financer la solidarité amont/aval et la solidarité zones rurales/zones urbaines.

Le principe pollueur-payeur

Le principe pollueur payeur appliqué à l’eau ne doit pas être dévoyé pour financer d’autres politiques.

L'eau paie l'eau

Les fonds dédiés à l’eau (redevances perçues par les agences de l’eau, fonds Barnier pour les inondations) ne doivent pas être utilisés à d’autres fins.

Aller vers une imposition visant des comportements plus vertueux, et réellement affectée à l’eau et à l’environnement

Le modèle économique de l’eau doit favoriser le consentement à payer des citoyens pour l’eau. Et les redevances doivent inciter à un comportement plus vertueux et économe en ressource.

Ainsi par exemple, l’artificialisation des sols ne doit plus être encouragée, puisqu’elle a de nombreux effets négatifs sur l’eau. Cela doit conduire à revoir les ressources des communes, par exemple les modalités de calcul de la dotation globale de fonctionnement. 

Réfléchir à une fiscalité spécifique pour la biodiversité dans un contexte budgétaire restreint

A pression fiscale équivalente, la biodiversité doit être financée de manière spécifique (basée sur une assiette technique claire, tenant compte par exemple des infrastructures linéaires ou de l’étalement urbain) et lisible, avec une gouvernance dédiée.

Cette fiscalité doit être mesurée et réfléchie dans un contexte de baisse des dépenses de l’État.

Aller vers une imposition plus juste, plus efficace, avec un cadrage national et lisible pour le grand public

Il est nécessaire de disposer d’un cadrage national afin de favoriser un impôt plus juste et efficace qui tienne compte du consentement à payer pour l’impôt.

Par exemple, la taxe GEMAPI, peu cadrée au niveau national (en-dehors de la limite de 40 euros par habitant) introduit des différences territoriales qui rompent l’égalité des citoyens devant l’impôt et l’équité.

Autre exemple, la redevance obstacles a été supprimée alors qu’elle soulignait l’existence d’un impact de ces aménagements.

La fiscalité doit produire des recettes utiles au traitement des urgences, et les effets des éléments produits grâces aux impôts doivent être visibles.

Rendre cohérents les calendriers de la planification de l’eau et ceux de la programmation budgétaire

La cohérence entre les documents de planification (Sdage et programme de mesures) et les documents de programmation budgétaire (programme d’intervention de l’agence) serait plus grande si leurs périodes de référence étaient identiques. Les cycles de la Directive cadre sur l’eau sont 2016-2021 et 2022-2027 alors que le programme d’intervention de l’agence est construit sur un calendrier 2013-2018 et 2019-2024.

Eau et transition écologique

Se donner les moyens d’accélérer le mouvement

Entre les tenants d’une politique des petits pas et ceux d’une rupture, il convient de toute façon d’accélérer le mouvement pour la transition écologique avec des actions concrètes et fortes. Il convient de s’appuyer sur une majorité de citoyens engagés et conscients, sur les actions déjà mises en œuvre et qui fonctionnent, et sur la mise en avant des externalités négatives pour l’environnement qui est un levier important pour accélérer les changements.

Renforcer la cohérence et la résilience des politiques publiques (agricoles, sanitaires, transports, urbanisme…)

La réduction de l’impact des activités humaines sur l’environnement nécessite des actes au quotidien de tous, ménages, entreprises, citoyens, associations… Elle nécessite aussi une action de l’État pour conduire des politiques ambitieuses et cohérentes entre elles, sans opposer protection de l’environnement et développement économique. Des déclinaisons territoriales conservant un niveau d’ambition élevé, tout en tenant compte des spécificités locales sont également nécessaires.

La cohérence de l’ensemble des politiques publiques et leur résilience doivent être renforcées concernant la qualité des eaux et des milieux :

  • La politique de l’urbanisme doit permettre un développement de la ville conçu différemment (en particulier pour réduire l’imperméabilisation des sols, voire arriver à l’absence d’urbanisation nette).
  • La politique énergétique avec certaines énergies renouvelables ne doit pas sous-estimer leur impact sur l’eau et les milieux aquatiques.
  • La politique agricole et la politique agricole communautaire (PAC) doivent évoluer pour favoriser une réduction de l’empreinte environnementale et pouvoir mieux rémunérer les services environnementaux.
  • La politique sanitaire, notamment avec le plan national santé environnement, doit répondre aux enjeux de santé publique et de qualité des eaux.

Renforcer les politiques d’aménagement du territoire et d’occupation de l’espace (limiter l’imperméabilisation et l’étalement urbain)

Les décisions prises en matière d’urbanisme, notamment dans les documents de planification de l’urbanisme, et en matière d’aménagement du territoire doivent très rapidement arriver à l’absence d’urbanisation nette, sans consommation de nouveaux espaces (terres agricoles, bois et forêts, espaces naturels non exploités).

Le développement de la ville doit être conçu différemment en tenant compte du changement climatique : réduction de l’imperméabilisation et gestion des eaux pluviales à la parcelle, toiture végétalisée, utilisation du bois matériau, isolation des bâtiments, transports, etc.

En dehors de la ville, mieux protéger les haies, les zones humides, les corridors biologiques, voire développer leur extension, favoriser les circuits d’approvisionnement alimentaire locaux.

Développer des pactes entre tous les acteurs, notamment à l’échelle des territoires

Le fonctionnement de la société se construit sur un équilibre entre l’économique, le social et l’environnemental. Des moyens financiers, et donc une économie performante, sont nécessaires pour préserver ou reconquérir un bon environnement. Réciproquement, il convient de réaffirmer la nécessité d’un environnement de qualité, qui est une exigence croissante des citoyens, et d’une eau de qualité et satisfaisant les usages, comme condition pour un bon développement économique et un environnement social apaisé.

Le partage de la ressource en eau, qui doit être établi en tenant compte des besoins des milieux naturels, est un enjeu de plus en plus prégnant, qui doit être faire l’objet d’un débat suffisamment large pour être compris du plus grand nombre.

Développer la connaissance

La transition écologique va nécessiter des changements plus ou moins profonds pour réduire l’impact des activités humaines sur le milieu, notamment sur les ressources en eau. Si certains éléments sont et d’ores et déjà connus, transposables et prêts à être vulgarisés, il reste encore des solutions à approfondir, voire à inventer. Il faut imaginer, mettre au point de nouvelles manières de produire, de se déplacer, de se loger, de s’alimenter, etc. pour réduire l’empreinte environnementale de l’activité humaine. Par ailleurs l’agriculture et la sylviculture ont un rôle fondamental à jouer notamment dans le stockage du carbone.

La connaissance des ressources en eau et des besoins en eau des milieux naturels doit être développée pour assurer une gestion équilibrée, aujourd’hui et à l’avenir, dans un contexte de changement climatique.

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Contribution - grand débat

Contribution du comité de bassin Loire-Bretagne au grand débat national
mars 2019
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